Quatre économistes ont compilé les résultats de douze simulations différentes, qui proposent d’estimer les gains et pertes associées au Brexit.
Parmi ces simulations, deux seulement trouvent un effet positif pour l’économie britannique – mais elles reposent sur des hypothèses irréalistes…
Pour les 10 autres, plus crédibles, les pertes de PIB pour le Royaume-Uni vont de -0.75% à -4.5%, selon les scénarios considérés.
Pour vous donner un ordre de grandeur, la crise de 2008, l’une des pires depuis 1929, a contracté le PIB britannique de -6% en un an et demi. Sans atteindre la violence de la crise de 2008, les effets récessifs attendus du Brexit sont donc loin d’être anodins1Certains disent que le Royaume-Uni pourrait s’en sortir en établissant de nouveaux accords commerciaux avec des pays non-européens. Sans doute que ça aidera, mais il ne faut pas oublier que l’intensité des flux commerciaux décroît avec la distance. Rien ne dit que de tels accords, sous réserve d’ailleurs qu’ils aboutissent, permettent de compenser entièrement les pertes associées à la sortie de l’Union Européenne..
Cette contraction correspond à une perte comprise entre 21 et 126 milliards de dollars, si l’on prend le PIB britannique de 2018 comme référence. À titre de comparaison, le Royaume-Uni dépense chaque année environ 120 milliards de dollars dans l’éducation.
À noter aussi que sans surprise, ces simulations montrent que l’Union Européenne va elle aussi souffrir du Brexit. C’est un résultat attendu : le commerce bénéficiant aux deux parties qui échangent, dès lors que ce dernier devient plus difficile, les deux parties sont négativement affectées. Cela étant, le choc sera quand même plus violent pour le Royaume-Uni.
Même si cet article n’est pas une méta-analyse (les économistes font très peu de méta-analyses), qu’il intègre douze simulations différentes permet d’obtenir des conclusions plus robustes que celles issues d’une seule simulation.
Je pense que peu d’économistes seront surpris par ces résultats.
Certains questionnent parfois l’existence de « lois scientifiques » dans les sciences humaines et sociales. L’économie ne possède certes pas la même précision de mesure que la physique par exemple, mais l’exemple du Brexit montre bien qu’il est malgré tout possible d’identifier des régularités, et de spécifier les conditions dans lesquelles on les retrouve. Ici, la régularité est que le commerce augmente la richesse des deux parties. C’est un résultat archi-établi en économie.
On a beau vouloir croire très fort que ce résultat soit faux, ou croire tout aussi fort que les économistes sont des libéraux et que ne pas partager leur supposée idéologie suffit pour refuser leurs résultats. Cet exemple montre que ça n’est pas ainsi que ça fonctionne. Que les méthodes des économistes sont peut-être plus puissantes que ce que certains (majoritaires dans les médias) en disent…
La science économique n’est pas parfaite, la science économique n’est pas étanche aux idéologies – mais c’est vrai de toutes les disciplines scientifiques. La traiter comme un cirque où toutes les opinions auraient la même valeur, comme on le fait trop souvent en France, c’est s’exposer à l’obscurantisme le plus crasseux.
Lire l’article : https://piie.com/publications/working-papers/brexit-everyone-loses-britain-loses-most