Comment j’ai fait modifier un article du New York Times

Hier sont parus les résultats préliminaires d’une enquête menée par l’Americain Economic Association. Cette enquête avait pour but de quantifier les discriminations et le harcèlement au sein des départements d’économie aux États-Unis. Les résultats de cette enquête ne sont pas fameux pour la profession. Mais si vous n’êtes pas un homme hétérosexuel blanc complètement centré […]

Hier sont parus les résultats préliminaires d’une enquête menée par l’Americain Economic Association. Cette enquête avait pour but de quantifier les discriminations et le harcèlement au sein des départements d’économie aux États-Unis.

Les résultats de cette enquête ne sont pas fameux pour la profession. Mais si vous n’êtes pas un homme hétérosexuel blanc complètement centré sur son nombril, il est difficile de dire que ces résultats soient très surprenants.

Les leçons d’une triste journée pour la science économique

Cette enquête a été couverte par Ben Casselman et Jim Tankersely dans le New York Times. Or, bien que les personnes « non-hétérosexuelles » aient été interrogées dans l’enquête, dans la première version de l’article du New York Times, absolument aucune mention n’a été faite de leurs réponses – alors qu’elles dénotent des perceptions de discrimination très importantes.

J’ai alors publié ce tweet, où je critique cet « oubli » :

Quelques heures plus tard et suite à mes remarques, l’article a été modifié par Ben :

C’est donc pour cette raison que je peux dire que j’ai fait modifier un article dans le New York Times – et au passage, chapeau à Ben d’avoir accepté la critique avec autant de classe !

Maintenant, venons en à ce qui est réellement intéressant.

Comparons la réaction de Ben à la réaction de journalistes français quand des non-journalistes pointent des angles morts dans leurs articles ou reportages (vous me voyez sans doute venir…).

Un premier exemple est Stéphane Foucart, journaliste scientifique (d’après la légende) au Monde. Quand sa couverture militante et partiale lui est reprochée à l’aide d’arguments basés sur la littérature scientifique, que fait-il ? Il bloque à tour de bras ses critiques. Il ose également comparer les critiques qui lui sont faites au harcèlement mysogine, raciste, homophobe et antisémite de la Ligue du LOL. Et il n’hésite pas à recourir à des arguments complotistes pour essayer d’évacuer les critiques. Le tout, dans Le Monde, l’un des plus prestigieux quotidiens français.

La grande classe de M. Foucart

Un second exemple est une directrice éditoriale de France 2. Suite à la catastrophique émission d’Envoyé Spécial sur le glyphosate, celle-ci a déclaré (publiquement) que les critiques qui ont été adressées à l’émission ont été le fait, pour résumer, de trolls payés par Monsanto.

Une étude rigoureuse de cet argument montre qu’il est complètement faux.

Le numéro d’Envoyé Spécial sur le glyphosate a-t-il été critiqué par des trolls ?

Un troisième exemple est à chercher du côté d’Élise Lucet elle-même. Cette dernière n’a pas hésité à recourir à des arguments assez douteux pour « défendre » son émission sur le glyphosate. Jugez vous-même :

Un quatrième exemple est Tristan Waleckx, l’un des journalistes d’Envoyé Spécial. Depuis ce matin, sa nouvelle passion semble être de marcher dans les pas de M. Foucart – en bloquant toute personne ayant critiqué Envoyé Spécial (moi inclus) :

Et je ne doute pas que l’on pourrait accumuler de nombreux autres exemples1J’ai en tête la diffamation, pour ne pas dire l’acharnement, de Waleckx à l’égard de Géraldine Woessner et Emmanuelle Ducros, deux critiques de l’émission, là où Mac Lesgy, un homme, lui aussi critique, a été laissé étonnement tranquille. Comme le dit Lucet, « Intéressant. Non ? »., de journalistes français qui refusent de rendre des comptes et d’intégrer la moindre critique, si possible en ayant recours aux arguments les plus fallacieux qui soient.

(Je me souviens d’un échange, il y a quelques années, avec un journaliste des Décodeurs du Monde sur Twitter. On était deux à essayer de lui montrer que l’un de ses articles, qui concernait Mélenchon, reposait sur un sophisme. Il a fallu y passer littéralement une après-midi entière, car notre démarche était interprétée comme un genre de populisme anti-journalistes de bas étage. Comme s’il n’existait rien entre la critique systématique (et par conséquent idiote) des médias, et la pavoison totale devant ce qu’ils produisent…)

Comme l’échantillon est dans les deux cas de taille réduite, je me garderai bien de tirer la moindre conclusion générale sur le journalisme US et le journalisme français2Dans les faits, et pour lire régulièrement la presse US en ligne, cette dernière n’hésite pas à corriger les articles en cas d’erreurs, d’imprécisions, etc. À part une fois Le Monde sur un article à propos d’Idriss Aberkane, je n’ai pas souvenir d’un grand journal français mettre l’un de ses articles à jour. L’échantillon véritable est donc en réalité plus grand que le seul exemple de l’article sur l’enquête de l’AEA. Mais comme je n’ai pas d’exemples précis à fournir, et que j’ai la flemme de chercher, je préfère en faire une note qu’un argument dans le texte..

Je vais simplement me contenter de suggérer qu’en toute vraisemblance, un journalisme à l’écoute des critiques légitimes est possible – et souhaitable. Et qu’il me paraît probable que le journalisme français ne soit pas un journalisme de ce genre…

[MàJ 2019-03-19@19:45 : l’article suivant était ouvert dans mes onglets. Combien de responsables médiatiques françains ont déjà tenu de tels propos ?]

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