Le luxe rend-il heureux ?

Cela vous étonnera peut-être, mais les questions de recherche de ce type font partie des questions que se posent les économistes. Car non, la science économique n’est pas une discipline « matérialiste » qui s’intéresse à comment accumuler le plus d’argent possible, son objet d’étude est en réalité très vaste.

Mathieu Perona sur le blog de L’Observatoire du bien-être :

S’ils n’ont pas une valeur d’usage très différente de celle des biens conventionnels […], les biens de luxe sont porteurs d’un message : celui que leur propriétaire est capable de se les payer. […] Ils signalent sa position sociale.

Les biens [positionnels] viennent ainsi nourrir chez leurs propriétaire cette satisfaction liée à la sensation d’être au sommet de l’échelle sociale, de faire partie de l’élite — et ce au détriment de la satisfaction de vie des autres personnes qui y sont exposées et font face au fait qu’elles ne font pas partie de cette classe supérieure.

Tout un champ de recherches travaille à étudier les relations entre les déterminants de la satisfaction de vie et les valeurs que professent les individus. […] L’effet sur la satisfaction de vie de biens positionnels [est] plus [fort] chez les personnes qui professent un niveau de matérialisme élevé, c’est-à-dire qui accordent une grande importance à la réussite matérielle. Les effets […] vont donc jouer à plein chez eux, en positif comme en négatif. D’autant plus que l’attachement à ces valeurs s’accompagne souvent de la recherche par ces mêmes personnes d’une validation externe. Cette recheche est associée à des niveaux de bien-être, dans une vaste gamme de domaine (relations avec les autres, sens de la vie, etc.) plus faibles que les niveaux observées par les personnes qui ont des valeurs intrinsèques, i.e. qui ne dépendent pas d’une validation extérieure. 

Le contexte social joue également dans l’importance des effets. Ainsi, certaines cultures — les chercheurs citent en exemple celles d’Asie du Sud-Est, valorisent très fortement la position sociale.

Pour résumer, les biens de luxe n’apportent qu’une satisfaction transitoire aux personnes pour qui la validation extérieure est importante – et je ne porte aucun jugement en disant cela. Au bout d’un moment, on finit par s’y habituer, et c’est peut-être aussi pour cette raison que le luxe prend parfois l’allure d’une course chez les personnes ont les moyens de la courir – en plus de la traditionnelle course à l’armement du bien positionnel : si un bien x devient courant, il devient plus difficile de se signaler comme faisant partie de « l’élite ». Pour continuer à se signaler, il faudra donc s’équiper d’un bien encore plus luxueux.

Pour approfondir cette question, et notamment la définition des biens positionnels, je vous encourage à lire l’article de blog complet.

Quels économistes croire ?

Vu sur Twitter, un thread qui donne quelques pistes pour se faire une opinion quand :

  1. On n’est pas spécialiste
  2. Deux « camps » semblent s’opposer

L’objet de ce thread était la psychologie évolutionnaire, mais je pense qu’il s’applique aussi très bien à la science économique. D’autant que cette dernière est souvent présentée, à tort, comme composée de « camps » qui seraient tous plus ou moins équivalents selon nos propres dispositions idéologiques. Il n’y a pourtant rien de plus faux.

MàJ 2019-11-12@18:50:37 Les tweets suivants ont malheureusement été supprimés par leur auteur, et à part pour les deux premiers, ils n’ont pas été archivé par Google ou par Internet Archive. Je crains malheureusement qu’ils ne soient à jamais perdus, et avec eux les idées qu’ils contenaient. À l’avenir, je ferai des copies d’écran des tweets, plutôt que simplement les mettre en lien.

Source : https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164079926938656768?s=21
Source : https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164079972484624384?s=21

https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164080013555228673?s=21

https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164080101258137600?s=21

https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164080209466990592?s=21

https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164080292342243328?s=21

https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164080375355858944?s=21

https://twitter.com/alex_technoprog/status/1164080462962286592?s=21

Pour résumer, une stratégie sceptique serait :

  1. Suspendre son jugement
  2. Être attentif.ve aux arguments des « critiques », qui peuvent s’avérer fallacieux – et dans mon expérience, il existe une « littérature critique » sur la science économique qui se fonde sur un énorme homme de paille
  3. Essayer de s’exposer aux idées du « camp d’en face », pour voir comment il répond à ces critiques. Si ça se trouve, les critiques n’en sont pas, ou ont déjà fait l’objet d’une réponse

Cette liste est mon interprétation du thread que je cite. Je ne prétends pas non plus qu’il s’agisse d’une stratégie infaillible ou quoi. Mais ça peut servir de point de départ.

Car on me demande souvent « qui croire quand deux économistes semblent s’opposer ? ». Et jusqu’à présent, je n’ai pas eu de réponse qui m’a semblé convaincante.

Que faire des ressources en anglais ?

Au début du mois dernier, je vous avais interrogé par sondage. La question posée était la suivante :

J’ai pas mal de ressources en anglais sur la science éco, qu’aimeriez-vous que j’en fasse sur L’Économiste Sceptique ? (Je vous demande l’option qui *vous* plairait le plus)

Vous avez été trente à répondre, et voici une analyse (rapide) de vos réponses.

Trois réponses étaient possibles :

  • Adapter les ressources en français
  • Diffuser ces ressources en anglais
  • Ne rien faire

Très clairement, vous avez envie que j’en fasse quelque chose :

J’ai agrégé le nombre de votes pour « Adapter les ressources en français » et « Diffuser ces ressources en anglais » pour construire la catégorie « Faire quelque chose ».

Mais que j’en fasse quoi exactement ? Que je les adapte en français, ou que je les publie « telles qu’elles » en anglais ?

D’une courte majorité1Vu la petite taille de l’échantillon, la marge d’erreur de ce sondage est considérable, alors je préfère rester prudent., vous préférez que ça soit en français :

Je ne suis pas tellement étonné de ces résultats, et pour cause : L’Économiste Sceptique est un média… francophone. Il est donc logique qu’une partie substantielle de ses lecteurs veuillent du contenu en français.

Vu de ma fenêtre, l’arbitrage entre les deux langues est le suivant : publier en français demande plus de travail, car il faut adapter. En anglais, c’est plus rapide. Mais en anglais, ça touchera vraisemblablement moins d’entre vous.

Je n’ai pas de préférences personnelles sur la langue. Je vais me plier au résultat du sondage. Je vais toutefois prendre le temps de réfléchir à un format intéressant et pas trop lourd à produire.

Une nouvelle page d’accueil

Je vois L’Économiste Sceptique comme un projet de long terme, et qui, à ce titre, mérite que je prenne le temps de faire correctement les choses. L’une des erreurs que j’ai commises avec Le Signal Économie a été de trop souvent me précipiter ; l’enjeu est de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Je veux avancer avec humilité, méthode et détermination.

Lorsque j’ai lancé le site, il a bien fallu que je créé une page d’accueil. J’avais rapidement bidouillé quelque chose, en ayant en tête que ça ne serait que provisoire. Après plusieurs mois de réflexion et de travail, je suis content d’annoncer que la véritable page d’accueil est désormais en ligne.

Affichage du contenu récent

Elle n’est ni révolutionnaire, ni fondamentalement différente de la précédente. Elle met toutefois bien mieux en avant tous les types de contenu offerts par L’Économiste Sceptique, et notamment la Lettre, le Blog et le Mur. C’était surtout ça qui manquait avec la précédente version.

Affichage du contenu supplémentaire

Elle évoluera sans doute à la marge, pour l’ajuster finement. Mais globalement, elle ne devrait plus bouger. Je considère ce chantier comme achevé.

Affichage du formulaire de recherche

J’en ai également profité pour mettre en ligne une nouvelle bannière qui affiche plus clairement le logo ainsi que le slogan. Et j’ai simplifié et fusionné les différents menus : les principaux éléments du site sont désormais accessible dans un menu unique en haut de chaque page (sur ordinateur) ou dans le menu hamburger (sur smartphone).

Menu réorganisé et nouvelle bannière

Même si les menus sont de manière générale peu utilisés, on peut espérer que cette réorganiser favorise la sérendipité sur L’Économiste Sceptique – que j’observe déjà dans les statistiques de fréquentation.

Vous pensez que votre patron est incompétent ? Vous avez sans doute raison

Allez, pour une fois je vais partager un article de recherche en économie !

Souvent, le grand public n’a aucune idée des recherches que font réellement les économistes – et ce que j’entends par « réellement », c’est : pas si on écoute les « critiques » dont la critique consiste en un énorme homme de paille sur la science économique. Et il m’a semblé que cet article était un bon moyen de démystifier un peu tout ça.

Comme le suggère le titre, l’idée selon laquelle un patron, ou boss, ou manager, est incompétent est une idée assez répandue. On a sans doute tous.tes des anecdotes et exemples en tête. Dans un article publié en 2007 dans le Quarterly Journal of Economics, l’une des meilleures revues au monde, deux économistes ont mesuré les pratiques managériales dans quatre pays : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Leur objectif était de quantifier l’efficacité des pratiques managériales.

Sans grande surprise sans doute, ils trouvent que… pour un nombre considérable de firmes, les pratiques managériales sont « extrêmement mauvaises » (extremely bad). C’est d’autant plus vrai dans deux situations :

  • si le marché sur laquelle la firme vend ses produits est peu compétitif
  • si le PDG de la firme est le fils aîné des propriétaires de cette dernière

La première situation s’explique par le mécanisme suivant : si le marché est peu compétitif, cela signifie que les firmes peu productives peuvent y survivre. Il y a en effet peu de concurrents susceptibles d’être meilleurs et qui pourraient les conduire à la faillite. Or, l’article mesure également que les firmes avec les meilleures pratiques managériales sont aussi les firmes les plus productives et les plus rentables. En d’autres termes, si le marché est peu compétitif :

  • les firmes mal gérées peuvent survivre
  • les firmes n’ont pas besoin de faire des efforts et d’implémenter de meilleures pratiques managériales pour survivre

La seconde situation est encore plus facile à expliquer : il n’y a littéralement aucune raison pour que les fils aînés soient de meilleurs managers que les autres. En d’autres termes, ces derniers héritent de positions managériales non pas parce qu’ils ont fait la preuve de leurs capacités, mais simplement parce qu’ils ont eu la « chance » (au sens de : par hasard) de naître les premiers de leur fratrie.

L’article mesure d’ailleurs que les firmes familiales qui font appel à des managers externes ou qui recrutent les managers parmi tous les membres de la famille ne sont pas moins mal gérées que les autres – en moyenne.

Cet effet de filiation se retrouve surtout en France et au Royaume-Uni. Les firmes européennes étant, toujours d’après l’article, moins bien gérées que les firmes états-uniennes.

Êtes-vous étonné.e de la question de recherche, des méthodes et des résultats de cet article ? Si oui, sachez que c’est un article tout à fait « classique » – j’ai choisi de vous le diffuser car il est proche des questions que je me pose dans mes propres travaux de recherche, et aussi parce que je trouve qu’il est à la fois très intéressant et très bien fichu.

Bonjour, c'est Olivier – alias L'Économiste Sceptique 🙂

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