Dans quel pays les gens sont-ils les plus… patients ?

Cela fait déjà quelques décennies que la science économique n’est plus vraiment une science de « l’argent ». C’est une vraie science sociale, au sens où elle se saisit de nombreux sujets de société pour les étudier scientifiquement.

Dans un article récemment publié (mais qui circule, comme souvent en économie, sous forme de working paper depuis plusieurs années), les auteurs se sont essayés à mesurer un certain nombre de « traits de caractère » pour voir comment ses derniers varient d’un pays à l’autre, et à l’intérieur d’un même pays. Parmi eux, la patience.

Pour faire ces mesures, ils ont interrogé par sondage 80.000 personnes réparties dans 76 pays. Avant d’être administrés, les sondages ont été validés expérimentalement – pour être sûr que les questions posées mesurent bien ce qu’elles sont sensées mesurer. Des mesures d’une telle ampleur sont à ma connaissance uniques dans la discipline.

Cet article est par ailleurs représentatif de la manière dont la science économique fonctionne aujourd’hui : loin des élucubrations abstraites que certains critiques présentent fallacieusement, c’est une discipline devenue profondément empirique. Ça ne veut pas dire que tout est parfait, mais la présenter comme une sorte d’officine idéologique ultra-libérale, moi je veux bien, mais ceux qui forment cet argument ont intérêt à venir avec des preuves solides.

En tout cas, la carte ci-dessous montre le degré de patience entre différents pays. L’échelle est centrée sur 0, c’est-à-dire que 0 est le niveau moyen de patience sur la planète. Plus un pays a un score négatif, moins sa population est patiente (en clair sur la carte), plus un pays a un score positif, plus sa position est patiente (en foncé sur la carte).

Sans grande surprise, on retrouve que les pays habituellement plus pro-sociaux comme l’Europe du Nord ou l’Amérique du Nord affichent des scores de patience plus élevés. À l’inverse, les pays méditerranéens affichent des scores plus faibles. La France est autant dans une situation intermédiaire au niveau géographique qu’au niveau de son score de patience.

Il serait sans doute intéressant de voir les différences au sein des pays. Il est fort à parier que pour des pays aussi grands que les États-Unis, la Russie ou, dans une moindre mesure, la France, des différences régionales substantielles apparaissent.

Via le blog de Our World in Data

Les sciences humaines et sociales sont *aussi* des sciences

Il flotte dans l’air l’idée que les sciences humaines et sociales (SHS) seraient « molles », là où les sciences naturelles seraient « dures ». Entendez par là que les sciences naturelles seraient « plus scientifiques » que les SHS.

Je pense que c’est un argument caricatural au possible, et pour l’illustrer, je vous propose une série de tweets (en anglais) de Zak Taylor, qui après avoir fait de la recherche en physique des particules est désormais professeur de politiques publiques au Georgia Institute of Technology à Atlanta aux États-Unis.

Bien que traitant de la science politique (américaine, qui me paraît assez différente de la science politique française), ces tweets sont très proches de ce que je pense de tout ça. Je trouve notamment très intéressante l’idée que les physiciens ayant des laboratoires qui isolent très bien les effets qu’ils veulent mesurer, ils en oublient parfois que tout le monde n’a pas ce luxe et que réduire une science à sa capacité à mener des expériences contrôlées est un peu court1Il ne s’agit pas d’une « attaque » contre les physiciens. Je dis seulement qu’utiliser la physique comme point de référence de ce que serait une « vraie » science, pour aussi commode qu’il paraisse, ne fait sans doute pas grand sens d’un point de vue épistémologique, et mériterait d’être solidement justifié..

Les SHS (en tout cas l’économie et, ici, la science politique US) n’ayant pas le luxe des physiciens, cela oblige à s’interroger sans cesse à la fois sur les données, et sur les méthodes pour les traiter. La question de fond étant : sommes-nous réellement en train d’établir une causalité ici ? Ou pas du tout ?

Pour finir et avant de vous laisser lire les tweets de Zak, une dernière remarque : je suis parfois (souvent ?) très énervé lorsque j’entends certains spécialistes de sciences naturelles parler d’économie, ou de sujets de société, parfois en plus avec un ton condescendant. Ça arrive assez régulièrement, indication qu’il y a sans doute là quelques chose de plus profond à l’œuvre. Ce « quelque chose », me semble-t-il, en plus d’être une forme d’arrogance conjuguée à un Dunning-Kruger (avoir lu trois livres de Gaël Giraud ne fait pas de vous un spécialiste de la science économique 🤔), c’est peut-être justement ce manque de prudence qui consiste à calquer sur des disciplines très différentes le modèle de la physique.

Ce type de discours n’est sans doute pas le plus grand danger fallacieux confrontée par la science économique, mais il est bien réel, loin d’être inexistant, et pour toutes ces raisons je pense qu’il faut s’en méfier.

Voici enfin les tweets de Zak :

Un nouvel article = recevez une notification

La fonctionnalité existait sur Le Signal Économie, je la remet en place sur L’Économiste Sceptique : vous pouvez désormais recevoir une notification à chaque fois qu’un nouvel article est publié sur le site, que ce soit un numéro de la Lettre, un article sur le blog ou une publication sur le Mur.

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Ces notifications me permettent, comme les notifications par email, de passer outre les grands réseaux sociaux que sont Facebook, Twitter et YouTube, et ainsi ne plus avoir à subir la tyrannie de leurs algorithmes souvent obscurs pour vous tenir informé.e.s des nouveaux contenus de L’Économiste Sceptique.

Pourquoi je fais de la recherche en économie

Il y a deux grandes motivations pour faire de la science économique :

https://twitter.com/dclingi/status/1116098094603612160?s=21

La première (décrite par Alice) consiste à faire de la science économique pour essayer de changer le monde et l’améliorer, le tout à l’aide de résultats scientifiques fondés sur des preuves. Cette approche est un peu celle d’un médecin, en somme.

La seconde (décrite par David) consiste à faire de la science économique pour comprendre le monde, sans nécessairement vouloir le changer. Cette approche amène peut-être davantage que la précédente à s’interroger sur ce qu’est une science, une preuve, une vérité scientifique, etc.

J’avais déjà abordé ce débat sur Le Signal Économie, je me situe clairement dans l’approche de David plutôt que celle d’Alice. Cela étant, j’ai le même avis que David (et Alice) : les deux approches peuvent très largement co-exister. Plus, je dirais même qu’elles sont complémentaires et se nourrissent l’une l’autre.

Cela étant, être dans une logique de compréhension n’implique pas nécessairement de ne pas vouloir améliorer les choses. L’Économiste Sceptique est typiquement un projet de diffusion de la méthode scientifique et de l’esprit critique. Car on a certes besoin de prendre des décisions de politiques publiques (ou privées) fondées sur des preuves scientifiques, mais on a aussi besoin que les citoyen.ne.s sachent ce qu’est un sophisme, un paralogisme, une preuve scientifique, un argument irréfutable, et ainsi de suite, pour qu’il.elle.s ne se fassent plus avoir par tous ces vendeurs et vendeuses de vérité frelatée qui pullulent dans les médias et sur les Internets.

Il n’y a pas qu’une seule manière de « changer le monde », et les quelques mois à peine d’existence de L’Économiste Sceptique me donnent jusqu’à présent une satisfaction sans commune mesure avec celle que j’avais en faisant Le Signal Économie ! Et je n’ai pas encore passé la seconde… Je ne sais pas si L’Économiste Sceptique va « changer le monde », mais il me semble en tout cas être là pour durer 🙂

Quand le droit influence… la biologie

Des chercheurs ont remarqué que les vautours espagnols se rendaient très rarement au Portugal. Ils suivent d’ailleurs très scrupuleusement la frontière, au point que ça en devient étrange. Et les rares vautours qui s’aventurent au Portugal finissent rapidement par faire demi-tour.

Qu’est-ce qui explique que les vautours espagnols volent rarement dans les cieux portugais, à part une conscience aigue des frontières humaines ?

La raison est simple : la législation.

Après l’épidémie de vache folle, l’Union Européenne a imposé que les bovins d’élevage qui meurent dans les prés soient emmenés à l’équarissage ou enterrés. Sauf que l’application de la règle a été laissée à la discrétion des États membres.

Vous l’aurez peut-être deviné : le Portugal l’a mise en place, mais pas l’Espagne. Résultat ? En Espagne, les vautours trouvent de la nourriture, alors que dès qu’ils passent la frontière portugaise, ils n’ont plus aucune chance d’en trouver. Et au bout d’un moment, les vautours ont tout simplement appris que les zones de survol portugaises ne leur permettait pas de se nourir, et donc ils ont pris l’habitude de les éviter.

Je trouve cette interaction entre législation et biologie tout à fait fascinante.

Vous pouvez explorer ce thread Twitter qui donne des détails (en anglais) :

Via Benjamin Golub

Bonjour, c'est Olivier – alias L'Économiste Sceptique 🙂

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