Les filles ne sont fondamentalement pas moins bonnes en maths que les garçons

Il est établi que les disciplines fortement mathématisées comme la physique, les mathématiques ou dans une certaine mesure l’économie, sont moins souvent choisies par les filles au cours de leur scolarité. Ce qui aboutit à une sur-représentation des garçons dans ces disciplines.

Comment expliquer cet écart ?

Une explication souvent avancée est qu’il existerait des différences cognitives entre les filles et les garçons, et que ces différences rendraient les garçons en moyenne meilleurs en mathématiques. Mais une nouvelle étude démontre que ça n’est probablement pas le cas : après avoir assigné à 104 enfants dont l’âge est compris entre 3 et 10 ans des tâches mathématiques, les chercheurs n’ont pas trouvé de différences dans le fonctionnement du cerveau.

Une étude seule ne permet toutefois jamais de conclure, et c’est pour cette raison qu’il est important de regarder d’autres études. Il semble que ce type de résultat, qui n’identifie pas de différences cognitives entre les filles et les garçons, se retrouve assez fréquemment.

Sans une revue systématique de la littérature, il faut bien évidemment rester prudent, mais a minima, l’hypothèse selon laquelle les filles sont sous-représentées dans les disciplines à fort contenu mathématique parce qu’elles seraient structurellement moins aptes aux mathématiques semble des plus fragiles. Elle est en tout cas loin d’être une explication évidente à considérer pour expliquer ces écarts.

Alors à quoi seraient dus ces écarts, si ça n’est pas à des différentes cognitives ?

La réponse est sans doute dans les modes de socialisation : les filles ne font pas face aux mêmes attentes que les garçons lors de leur éducation, ce qui va nécessairement finir par modifier les choix des unes et des autres. Il suffit par exemple que les matières mathématisées soient perçus comme « des trucs de garçon » pour que les parents, enseignants, conseillers d’orientation, etc. encouragent davantage les garçons à s’y orienter, et découragent davantage les filles à s’y orienter.

Il existe aussi un effet cumulatif, qui amplifie très certainement les écarts : quand bien même il n’y aurait pas de différence cognitive entre filles et garçons, s’il n’y a pas de modèle du même genre auquel les filles peuvent s’identifier, ces dernières vont avoir moins tendance à choisir la discipline où les femmes sont sous-représentées1On peut penser qu’un effet similaire joue dans les disciplines ou les métiers dans lesquels les hommes sont sous-représentés.. Dans cet article à paraître (dernière version), les deux économistes Catherine Porter et Danila Serra démontrent par exemple que faire enseigner la science économique par des femmes à l’université aux États-Unis va (significativement) augmenter la proportion de femmes qui vont continuer dans cette voie.

Or, s’il y a peu de femmes dans une discipline, cela va réduire la probabilité d’avoir un modèle pour inspirer les jeunes femmes, ce qui va renforcer la sur-représentation des hommes. C’est ce que l’on appelle un équilibre stable : la situation (ici, la part des hommes et des femmes) ne bouge plus, et elle aura du mal à fortement évoluer dans le temps parce que des forces diverses la maintienne à son niveau (ici, l’absence de modèles causée par la sous-représentation des femmes, qui empêche d’autres femmes de se projeter dans ce type de carrière, ce qui maintient la sous-représentation).

Pour conclure, je ferais deux remarques. La première est que l’explication de ces écarts est une question difficile, à laquelle il n’y a probablement pas d’explication unique. On est très certainement en présence d’un phénomène multi-factoriel, c’est-à-dire généré par un ensemble de causes différentes – dont il est n’est pas dit que toutes jouent dans le même sens. La seconde est que malgré tout, compte tenu de tout ce que l’on sait sur les effets de la socialisation sur les comportements, il me semble que l’explication à base de causes sociales est en l’état la plus vraisemblable.

Il faudra très certainement du temps et beaucoup d’autres recherches pour trancher définitivement cette question – ou que les recherches qui existent déjà à ce sujet soient davantage connues (au moins de moi).

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Bonjour, c'est Olivier – alias L'Économiste Sceptique 🙂

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