Sceptiques, soyez à la hauteur de la science économique !

Sceptiques, ça n’est pas parce que la science économique heurte vos croyances politiques, idéologiques ou sociétales que vous devez sombrer dans l’obscurantisme et la traiter comme une pseudo-science en faisant marcher à plein régime votre biais de confirmation. Bien au contraire ! Et en plus, je me propose de vous aider.

L’une des raisons qui m’ont poussé à créer L’Économiste Sceptique sont les horreurs totalement fallacieuses que j’ai pu entendre de la part de certains sceptiques, parfois très connus, sur la science économique. Derrière une profonde méconnaissance de ce qu’est la science économique, j’ai eu l’occasion de découvrir des discours obscurantistes qui, s’ils étaient tenus par un anti-vaccin ou un platiste, feraient bondir n’importe quel sceptique qui se respecte – et à juste titre.

C’est que la science économique, comme toutes les sciences d’ailleurs, peut heurter certaines croyances politiques – je peux en témoigner pour l’avoir vécu. Je ne dis pas que ça fait du bien, ni que c’est facile à encaisser. Mais il me semble que l’on est en droit d’attendre des sceptiques un peu plus que se contenter de critiquer les biais et les sophismes chez les autres, et de travailler aussi sur les leurs.

Ajoutez à cela qu’il circule, surtout en France, une copieuse littérature particulièrement biaisée d’économistes supposément « critiques », qui n’hésitent pas à recourir aux hommes de paille les plus sinistres sur ce qu’est réellement la science économique pour continuer à se faire inviter sur les plateaux télé dans le rôle de David contre les Goliath-méchants-libéraux-bouh-caca – dire cela n’est pas une interprétation de ma part, c’est basé sur des témoignages concordants d’économistes qui fréquentent eux aussi les plateaux télé. Quand il n’est pas question, de manière plus prosaïque, d’une incompétence de ces « critiques » à identifier ce qu’est la science économique de 2019. L’exemple canonique de cette littérature, vous le trouverez dans Alternatives Économiques – dont je déconseille fortement la lecture, tant la probabilité d’y lire n’importe quoi est élevée.

Mon sujet d’inquiétude du jour vient de ces deux tweets de Tzitzimitl, vidéaste sceptique :

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Comme je l’ai dit dans une série de tweets, l’idée que l’économie serait une pseudo-science va à l’encontre de tout ce que j’ai observé depuis que j’ai commencé mon doctorat en 2012 – et même avant, quand j’étais étudiant à l’université en économie, depuis 2005.

De fait, je suis quelque peu dubitatif de la démarche d’un vidéaste qui se présente également sur son profil Twitter comme « musicien » et « graphique » à vouloir contredire les observations d’une personne qui cotôye quasiment quotidiennement la science économique depuis 15 ans. Je fais même la prédiction que ce qui était prévu dans ces vidéos, c’est de présenter une science économique des années 60 ou 70, de citer du Bernard Maris, du Steve Keen ou du Gaël Giraud, et de ne se concentrer que sur la macroéconomie – alors qu’elle ne représente que 10 à 15% des publications dans les 5 principales revues de la discipline.

Faire cette prédiction est en réalité assez facile, car c’est d’une certaine manière simplement répéter ce que disent Colander, Holt et Rosser dans cet article de… 2004, notamment dans la section 6 (le document de travail de l’article est librement téléchargeable ici). J’en parlais aussi en juillet 2018 dans cet article du Signal Économie. Je ne suis pas le seul économiste impliqué dans la vulgarisation à la faire d’ailleurs.

Cette prédiction s’aligne avec la quasi-totalité de ce que j’ai pu observer, lorsqu’il s’agit de personnes prétendant démontrer que la science économique serait une pseudo-science. Depuis que j’ai lancé Le Signal Économie en 2015, j’ai eu l’occasion d’en croiser quelques unes… (sans compter ceux que j’ai pu croiser avant)

Je le redis : on attend des sceptiques autre chose que répéter les raisonnements fallacieux bardés d’idéologie qui flattent leurs propres croyances politiques. Cela étant, ma démarche n’est pas d’accabler, mais d’aider. C’est pour cette raison que je me rends disponible auprès de toutes les créatrices et tous les créateurs sceptiques, Tzitzimitl inclus, s’il.elle.s veulent échanger avec un économiste sceptique. Il suffit de me contacter. Et je ne demanderai aucune « rétribution » pour ces échanges (pas de mention au générique, ni rien).

Pour revenir à Tzitzimitl, je serai extrêmement vigilant sur le contenu de ses vidéos, car je ne pardonnerai pas à un sceptique, qui plus est qui produit du contenu sceptique et à qui j’ai offert deux fois d’échanger, de tomber dans ces pièges. Cela vaudrait aussi pour tout sceptique produisant du contenu impliquant la science économique.

En attendant, pour celles et ceux que ça intéresse, vous pouvez faire un tour sur le hashtag Twitter #WhatEconomistsReallyDo, vous y trouverez de nombreux économistes qui parlent de leurs recherches – et vous verrez que ça n’a sans doute pas grand chose à voir avec ce que vous imaginez. En voici un exemple, qui me paraît très représentatif d’une approche pseudo-scientifique (sarcasme inside) :

https://twitter.com/dclingi/status/943629278062809089

Celui-ci aussi :

(Cœur sur David et Dina au passage, ce sont pour moi deux sources d’inspiration, et si vous êtes sur Twitter et êtes intéressé.e par l’économie, je vous conseille de les suivre ! Ainsi que Béatrice Cherrier et Scott Cunningham. Vous pouvez aussi jeter un œil sur le hashtag #EconTwitter, même s’il n’est pas orienté vulgarisation.)

Il y a aussi quelques articles sur Le Signal Économie, qui sont toujours en ligne. Par exemple celui expliquant que les économistes ne croient plus depuis bien longtemps que les marchés s’auto-régulent par magie. Ça aussi, c’est encore un reproche infondé que l’on continue pourtant à faire, en 2019, aux économistes…

Et sur le Mur, j’ai récemment publié un court article où je présente le n-ième test empirique d’une prédiction théorique en économie du travail – encore un truc que font les pseudo-sciences, n’est-ce pas ?

Le salaire minimum augmente-il le chômage ?

Quid également de l’occurrence de plus en fréquente du terme de « preuve » dans le corpus scientifique en économie ?

La science économique est-elle encore une science de l’argent ?

Je concluerai en insistant une dernière fois sur la responsabilité des sceptiques à ne pas tomber dans les mêmes pièges qu’ils dénoncent lorsque ce sont les autres qui commettent des sophismes. Nous aussi, nous pouvons faire marcher notre biais de confirmation à 100 à l’heure, nous aussi, nous pouvons puiser nos informations auprès d’individus peu fiables que nous n’avons pas les moyens d’évaluer. Je ne fais aucun reproche à personne, je me contente d’alerter. C’est que j’ai observé trop de comportements décevants par rapport à la science économique au sein de la communauté sceptique pour être, en l’état, rassuré.

C’est pour cette raison 1) que j’ai créé L’Économiste Sceptique 2) que je propose aux créateurs sceptiques d’échanger avec moi si l’un de leur projet venait à parler de science économique.

Sceptiques, soyez à la hauteur de la science économique !

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